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Lettre de Julian Assange au roi d’Angleterre, Charles III
Publiée dans une traduction de Jorge Majfud par Página 12 le 7 mai 2023 A sa majesté le Roi Charles III, Pour votre couronnement, mon seigneur, j’ai pensé opportun de vous faire parvenir une invitation afin de marquer cette occasion fondamentale de la visite d’un royaume à l’intérieur de votre (...)
Voir +Publiée dans une traduction de Jorge Majfud par Página 12 le 7 mai 2023
A sa majesté le Roi Charles III,
Pour votre couronnement, mon seigneur, j’ai pensé opportun de vous faire parvenir une invitation afin de marquer cette occasion fondamentale de la visite d’un royaume à l’intérieur de votre royaume : la Prison de Votre Majesté à Belmarsh.
Il ne fait pas de doute que Votre Majesté se souvient des sages paroles d’un dramaturge célèbre : « La grâce de la miséricorde ne peut être forcée, elle tombe en douce pluie vers les humbles ».
Ah, mais que peut savoir ce barde de la pitié face au règlement de comptes, à l’aube de votre règne historique ? Après tout, on peut vraiment connaître la mesure d’une société à sa façon de traiter ses prisonniers, et votre royaume s’est clairement distingué dans ce domaine.
La prison de Votre Majesté à Belmarsh est située à la prestigieuse adresse de One Western Way à Londres, tout près de l’Old Royal Naval College de Greenwich. Quel délice doit être pour une institution le fait de porter votre nom.
C’est là que se trouvent reclus 687 de vos loyaux sujets, ce qui confirme un record du Royaume Uni : celui de la nation pourvue de la plus grande population carcérale d’Europe Occidentale. Comme l’a déclaré votre noble gouvernement il y a peu, votre royaume est en train de traverser actuellement « la plus grande expansion carcérale en plus d’un siècle », avec ses ambitieuses projections montrant une augmentation des prisonniers de 82.000 à 106.000 dans les quatre prochaines années. Sans aucun doute, tout un programme.
En tant que prisonnier politique, détenu par effet du bon vouloir de Sa majesté au nom d’un souverain étranger couvert de honte, je me sens honoré de résider entre les murs de cette institution de classe mondiale. Vraiment, votre royaume est sans limite.
Pendant votre visite, vous aurez la chance de profiter des délices culinaires préparés par vos fidèles sujets grâce au généreux budget de deux livres par jour. Vous pourrez savourer les brouets faits de têtes de thons et des omniprésents poulets transformés. Enfin, au cas où ce serait des poulets. Mais ne vous faites pas de souci, car au contraire d’institutions plus petites telles qu’Alcatraz ou Saint Quentin, il n’y a pas de repas communautaire en réfectoire. A Belmarsh, les prisonniers dînent seuls dans leur cellule, l’intimité maximale de leur repas étant ainsi assurée.
Au-delà de ces plaisirs gastronomiques, je peux vous assurer que Belmarsh offre maintes opportunités éducatives à vos sujets. Comme le dit Proverbes 22:6 : « Instruis l’enfant sur son chemin : en devenant vieux il ne s’en écartera pas ». Vous pourrez aussi remarquer les queues pour obtenir des médicaments, où les reclus s’alignent afin de les récupérer, non pas pour leur usage quotidien, mais pour pouvoir faire l’expérience d’un élargissement de leur horizon au cours de ce « grand jour ».
Vous aurez aussi la chance de présenter vos respects à feu mon ami Manoel Santos, un homme homosexuel qui affrontait la déportation au Brésil de Bolsonaro, et s’est ôté la vie à juste huit mètres de ma cellule avec une corde bricolée dans ses draps. On a pour toujours fait taire sa merveilleuse voix de ténor.
Puis vous pourrez visiter les régions les plus profondes de Belmarsh pour parvenir à l’endroit le plus isolé dans ses murs : celui où l’on soigne la santé, ou, pour mieux dire, l’enfer (healthcare o « Hellcare »), c’est le petit nom affectueux que lui donnent ses habitants. Là, vous vous émerveillerez des règles de sécurité sensées, pensées pour le bien de tous, telles que l’interdiction de jouer aux échecs alors qu’un jeu bien moins dangereux comme les dames est autorisé.
Et là, au plus profond de Hellcare (centre de soins de l’enfer), se trouve le lieu le plus glorieusement édifiant de tout Belmarsh. Mais que dis-je ? De tout le Royaume Uni : l’endroit qui répond au nom sublime de « suite pour la fin de vie à Belmarsh ». Si vous prêtez attention, vous pourrez entendre les cris des prisonniers. « Mon frère, je vais mourir ici » en témoignage de la qualité de vie et de mort dans votre prison.
Mais ne vous faites pas de souci car tout ne va pas si mal. On peut aussi trouver de la beauté entre ces murs. Vous pourrez vous distraire en regardant de pittoresques corbeaux qui font leur nid sur les barbelés et les centaines de rats affamés qui considèrent aussi Belmarsh comme leur foyer. Si vous décidez de venir au printemps, vous aurez peut-être la possibilité de voir les canetons égarés dans les terrains de la prison. Faites vite, car les rats affamés garantissent la fugacité de leurs vies.
Je vous implore, roi Charles, de visiter la prison de Belmarsh, car ce serait un honneur digne d’un roi. En embarquant dans votre règne, souvenez-vous toujours des paroles de la Bible King James : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Matthieu 5:7). Et que la miséricorde soit la lumière qui guidera votre règne, entre les murs de Belmarsh comme en dehors d’eux.
Votre vassal vous salue sincèrement
Julian Assange
(Traduction d’odile Bouchet à partir de celle de Jorge Majfud)
Liberez Julian Assange !
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste.
Voir +Résumé de la situation :
Julian Assange peut être extradé à tout moment aux États-Unis où on lui promet jusqu’à 175 ans d’emprisonnement alors qu’il est enfermé dans une prison de haute sécurité à Londres après sept années coincé dans une ambassade, douze ans de privation de liberté au total, sans aucune autre raison que l’acharnement des États-Unis qui n’ont pas apprécié les révélations (non démenties) de WikiLeaks relatifs aux crimes de guerres qu’ils ont commis en Irak et en Afghanistan ;
il a été prouvé que sous le mandat de Trump, le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a planifié l’assassinat d’Assange alors qu’il était réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres ;
dès son élection, le président Biden a repris le flambeau laissé par la bande à Trump pour avoir la peau d’Assange ;
la liberté de la presse serait anéantie par le précédent que constituerait cette extradition du journaliste le plus primé du XXIe siècle, car plus aucun journaliste dans le monde ne serait désormais à l’abri d’être persécuté ouvertement s’il donne une information contraire à la volonté de Washington, il s’agit de la plus importante atteinte à la liberté d’informer dans le camp occidental de l’histoire contemporaine ;
les avocats d’Assange ont déposé un appel auprès de la Haute Cour du Royaume-Uni contre son extradition signée par l’ex-ministre de l’Intérieur Priti Patel en juin ;
l’espoir de sauver Assange perdure, à condition que le mouvement de solidarité continue à grandir comme on l’a vu lors de la chaîne humaine qui a encerclé Westminster à Londres le 8 octobre dernier : près de 5000 personnes, une démonstration physique incontestable… sauf aux yeux des colporteurs de fake news de l’AFP et de Reuters quand il s’agit d’Assange. Ces derniers crachent ainsi sur la mémoire de leurs collègues… car on se souvient que l’affaire Assange a vraiment démarré lorsque WikiLeaks a publié les révélations de Manning à propos du meurtre de deux journalistes de l’agence Reuters en Irak par l’US Army (cf la vidéo Collateral murder, raid du 12 juillet 2007).
CHRONOLOGIE après 2022
2022
24 janvier. La Haute Cour britannique autorise les avocats d’Assange à saisir la Cour suprême.
4 février. L’Assemblée nationale française rejette la proposition de résolution visant à accorder l’asile politique en France à Julian Assange (31 voix contre, 17 pour et 2 abstentions). Le groupe de la majorité LREM et affiliés ainsi que le représentant du gouvernement ont pris position contre le texte, arguant que le Royaume-Uni et les États-Unis étaient des puissances alliées, des États de droit respectueux de la séparation des pouvoirs, et que la France n’avait pas à s’ingérer dans les affaires de la justice britannique.
14 mars. La Cour suprême du Royaume-Uni rejette le recours de la défense d’Assange, estimant que les « garanties » états-uniennes ne soulèvent pas « un point de droit d’importance publique générale ».
23 mars. Julian Assange et Stella Moris se marient dans l’enceinte de la prison de Belmarsh. La direction de l’établissement impose des règles strictes : six personnes seulement peuvent assister à la cérémonie ; les invités ne peuvent pas être des journalistes, même si ce sont des proches des mariés ; les photos sont interdites.
20 avril. La justice britannique autorise formellement l’extradition. Le sort du fondateur de WikiLeaks est désormais entre les mains de la ministre de l’Intérieur britannique Priti Patel qui doit se prononcer.
17 juin. Priti Patel approuve l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis. Après l’annonce de la décision, Assange a été fouillé, déshabillé et placé dans une cellule nu, « pour sa propre protection », et il n’a eu droit à aucune visite dans les jours qui ont suivi.
6 juillet. Le Bundestag allemand vote une résolution pour condamner dans les termes les plus fermes la torture psychologique que subit Assange.
15 août. Un groupe d’avocats et de journalistes états- uniens portent plainte contre la CIA et son ex-directeur Michael Pompeo, ainsi que contre David Morales et UC Global, pour les avoir espionnés lorsqu’ils rendaient visite à Assange dans l’ambassade d’Équateur à Londres. Selon la Constitution des États-Unis, la CIA a l’interdiction d’espionner des citoyens US, y compris à l’étranger. L’avocat Richard Roth, représentant des plaignants, rappelle que « le droit à la vie privée de ces journalistes et avocats, qui sont des citoyens américains, s’avère protégé par la Constitution. Il a été violé par la collecte de renseignements ».
26 août. L’équipe de défense d’Assange dépose un recours contre les États-Unis et Priti Patel auprès de la Haute Cour britannique, ne portant plus sur les aspects techniques du dossier, mais dénonçant une procédure abusive et politique.
9 septembre. Après être sorti en allemand, en suédois et en anglais, le livre de Nils Melzer paraît en français : L’Affaire Assange : histoire d’une persécution politique (Éditions Critiques).
Nils Melzer n’est plus le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture (il a été remplacé par l’Australienne Alice Edwards), il est désormais membre de l’équipe de direction du Comité internationale de la Croix-Rouge (CIRC).
8 octobre. Les soutiens d’Assange prévoient de réaliser une chaîne humaine autour du Parlement britannique à Londres pour demander la libération du fondateur de WikiLeaks. D’autres rassemblements s’organisent à travers le monde.
22 novembre. Le président colombien, Gustavo Petro, se déclare en faveur de la libération d’Assange. Sur Twitter, il revendique « soutenir la lutte mondiale pour la liberté du journaliste Julian Assange ».
28 novembre. Parution d’une tribune en soutien signée par les directions de la rédaction de : The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel, El Pais à l’occasion des 12 ans de la publication du Cablegate.
Il reste cependant quelques contre-vérités à "débunker" (lire l’article ici)
29 novembre. John Young, le fondateur du site Cryptome, annonce avoir demandé au ministère états-unien de la Justice de l’inculper également car il a publié les câbles diplomatiques US dans leur version non expurgée avant WikiLeaks (lire article ici) ;
30 novembre. Le premier ministre australien, Anthony Albanese, a annoncé devant le Parlement qu’il avait personnellement demandé aux responsables américains de mettre fin aux poursuites judiciaires contre Assange, ressortissant australien. « Il y a quelque temps, j’ai fait valoir mon point de vue selon lequel trop, c’est trop. Il est temps que cette affaire soit menée à son terme », a-t’il affirmé.
2 décembre. Assange saisit la Cour européenne des droits de l’homme pour contester son extradition vers les Etats-Unis.
4 décembre. Sur Twitter, Elon Musk a lancé un sondage :"Assange et Snowden devraient-ils être graciés ?". 80% des 3 316014 votants se sont prononcés pour.
6 décembre. Daniel Ellsberg, le lanceur d’alerte des "Pentagon papers" (les documents secret-défense du Département de la Défense US révélant les dessous de la guerre du Vietnam de 1955 à 1971) demande aux États-Unis de l’inculper arguant du fait qu’il est lui aussi en possession de matériel classifié sans autorisation, tout comme Assange.
2023
24 janvier. Sur la scène du Théâtre national de Strasbourg (TNS) se tient le forum théâtral Assange Odysseia (L’Odyssée d’Assange) au croisement de la conférence académique et du récit documentaire. Parmi les temps forts de la soirée, l’intervention émouvante de Stella Moris-Assange et la présence silencieuse de Julian Assange écoutant les applaudissements du public en direct au téléphone depuis la prison de Belmarsh (voir vidéo).
La chronologie détaillée de la vie de Julian Assange, dont "l’affaire" qui le maintient à l’enfermement depuis 2010 est regroupée dans le livre-films Hacking Justice.
Communiqué : Succès de la mobilisation pour Assange du 8 octobre
Le 8 octobre était une journée de mobilisation pour Julian Assange. Plus de vingt rassemblements ont eu lieu à travers le monde pour demander la libération du fondateur de WikiLeaks. Le principal s’est déroulé à Londres : pour la première fois de l’histoire, une chaîne humaine a entouré le Parlement britannique. Au moins 5 000 personnes étaient présentes, contrairement à ce que rapportent les dépêches des agences de presse Reuters (« des centaines de manifestants ») et AFP (« un millier de personnes »). Il est d’ailleurs physiquement impossible de réaliser une chaîne humaine de deux kilomètres en étant aussi peu nombreux, à moins qu’elle ne soit composée que de joueurs de basket...
À Paris, 250 personnes se sont réunies à l’appel du Comité de soutien Assange et des trente-sept organisations et médias signataires de « L’Appel de Paris pour Julian Assange ». Le rassemblement se tenait à côté de la réplique de la statue de la Liberté qui se trouve sur l’île aux Cygnes, dans le 15e arrondissement. À noter que plusieurs dizaines de Français avaient fait le déplacement à Londres, ce qui a mécaniquement fait baisser l’affluence de l’événement parisien.
Parmi les personnes qui ont pris la parole : les députées LFI-Nupes Pascale Martin et Karen Erodi, la journaliste Anne-Cécile Robert, présidente de l’Union internationale de la presse francophone (UPF), le secrétaire général du SNJ-CGT Emmanuel Vire, le réalisateur Laurent Bouhnik (coordinateur de la pétition « Liberté pour Julian Assange »signée par 350 personnalités du monde de la culture), la journaliste Karen Sharpe (auteur du livreJulian Assange parle), la présidente de CAPJPO-Europalestine Olivia Zémor, le président d’Alertes.me Philippe Candelon.
Kim Bouhnik a fait une lecture de la « Lettre à Julian Assange » que Suzanne Seba Caldas, une lycéenne de 16 ans qui vit en Guyane française, a rédigée pour un spectacle sur la désobéissance au Théâtre de l’Entonnoir à Kourou. Une allocution du groupe Facebook « Assange, l’ultime combat » a également été lue.
Pour faire écho à la chaîne humaine autour de Westminster qui avait lieu au même moment, les participants ont terminé le rassemblement en se joignant les mains autour de la statue de la liberté.
Nous étions plus nombreux que lors du rassemblement du 3 juillet sur la place de la République (à l’occasion du 51e anniversaire de Julian Assange) mais il nous faudra mobiliser davantage lors des prochains rendez-vous.
Par exemple, lors de la 7e Rencontre annuelle des lanceurs d’alerte qui aura lieu du 11 au 13 novembre à La Plaine Saint-Denis. Le samedi 12, Stella Assange sera présente pour une discussion après la projection de Conversation avec Julian Assange (informations ici).
Nous profiterons de cet événement pour organiser un rassemblement de soutien. L’horaire et le lieu seront communiqués prochainement.
Comité de soutien Assange, 15 octobre 2022
COMMUNIQUÉ DU COMITÉ DE SOUTIEN ASSANGE APPELANT À SE RASSEMBLER LE 8 OCTOBRE 2022
Comme ailleurs dans le monde, rassemblons-nous à Paris
le samedi 8 octobre pour la libération de Julian Assange
(communiqué)
« Nous ne pouvons lutter contre les injustices
qu’à partir du moment où elles sont révélées ».
– Julian Assange
Douze ans de persécution, douze ans de lawfare (instrumentalisation politique de la justice), douze ans de privation de liberté... Depuis 2010, le journaliste australien Julian Assange subit la vengeance de Washington. Qu’a-t-il fait ? WikiLeaks, l’entreprise de presse qu’il a fondée en 2006, a publié des documents accablants sur les États-Unis obtenus grâce à la lanceuse d’alerte issue de l’US Army Chelsea Manning : crimes de guerre en Irak et en Afghanistan, atteintes graves aux droits humains à Guantánamo, turpitudes de la diplomatie états-unienne, etc.
Ainsi, c’est pour avoir rempli sa mission de journaliste et révélé des informations d’intérêt public que Julian Assange est pourchassé, torturé, calomnié. Cela fait trois et demi qu’il croupit dans la prison de haute sécurité de Belmarsh au Royaume-Uni, avec une santé déclinante, attendant de savoir s’il sera livré par Londres aux États-Unis, où il risque jusqu’à 175 années de prison pour « espionnage ». Les voies juridiques pour éviter l’extradition s’amenuisent...
En plus de l’immense injustice faite à un homme et à ses proches, la persécution de Julian Assange est aussi une tentative de criminalisation du journalisme d’investigation. C’est le droit d’informer et d’être informé qui est attaqué. Il s’agit d’une volonté d’intimider à la fois la presse – en particulier les journalistes qui seraient tentés de s’inspirer du travail de WikiLeaks – et les lanceurs d’alerte potentiels. Si un journaliste australien qui a publié en Europe est traduit devant un tribunal états-unien et jugé en vertu des lois de ce pays, qui osera rendre publiques des informations qui pourraient déplaire au gouvernement US ? Seule une large mobilisation peut enrayer cet engrenage funeste.
En ce qui concerne la France, pays avec lequel Julian Assange a de nombreux liens, elle peut et doit lui offrir l’asile politique, comme l’a fait le Mexique par la voix du président Andrés Manuel López Obrador.
Le 8 octobre, une chaîne humaine entourera le Parlement britannique pour demander la libération de Julian Assange. Plus de 3 500 personnes se sont déjà inscrites pour y participer. Parallèlement à cette grande action, de nombreux rassemblements auront lieu dans le monde. En France, le Comité de soutien Assange et les trente-sept organisations et médias signataires de « L’Appel de Paris pour Julian Assange » proposent de se réunir à 14 h à côté de la réplique de la statue de la Liberté – suivez notre regard... – qui se trouve sur l’île aux Cygnes, sous le pont de Grenelle, dans le 15e arrondissement (détails ci-dessous). Des journalistes, des responsables syndicaux et associatifs, des élus prendront la parole.
Pour la liberté de la presse. Pour les droits humains. Pour les idéaux démocratiques. Pour la justice et la vérité. Julian Assange doit être libéré, protégé et indemnisé.
Paris, le 1er octobre 2022
Signataires : Acrimed ; Alertes.me ; Altermidi ; Alternatiba Montpellier ; Anticor ; ANV-COP21 Montpellier ; Assange, l’ultime combat ; Association nationale des communistes (ANC) ; Attac France ; Au poste ; Blast, le souffle de l’info ; Le Canard réfractaire ; CAPJPO-EuroPalestine ; Comité de soutien Assange ; Compagnie Erinna ; Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics ; Delphi Initiative for the Defense of Democracy ; Demain Le Grand Soir ; Élucid média ; Fédération internationale des journalistes (FIJ) ; Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) ; Le Grand Soir ; Halte au contrôle numérique ; Institut homme total (IHT) ; Là-bas si j’y suis ; Librairie Résistances ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Maison des lanceurs d’alerte ; Les Mutins de Pangée ; Pourlecinema.com ; Rencontre annuelle des lanceurs d’alerte ; Robin des lois ; Syndicat national des journalistes (SNJ) ; Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) ; Terre et Liberté pour Arauco ; Toute la France avec Assange – Unity4JFrance ; Vegan Corporation ; Le Vent Se Lève ; Alternatiba Montpellier ; ANV-COP21 ; Compagnie Erinna.
Précisions sur le lieu du rassemblement : pour rejoindre la réplique de la statue de la Liberté, il faut se rendre à l’extrémité de l’île aux Cygnes située sous le pont de Grenelle dans le 15e arrondissement. On peut y accéder en métro, par les lignes 10 (Charles Michels) et 6 (Bir-Hakeim), ou avec le RER C (Avenue du Président Kennedy-Maison de Radio France).
APPEL DE PARIS POUR JULIAN ASSANGE (18 Juillet 2022
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste.
Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan.
Les médias du monde entier ont utilisé ces informations. Certains se sont même associés à WikiLeaks.
Les journalistes français et leurs hiérarchies sont ici interpellés puisque trop de grands médias font preuve d’un silence suspect face au sort de Julian Assange.
Celui-ci est persécuté par les États-Unis depuis douze ans, avec l’aide de leur allié britannique. Poursuivi, harcelé, sali dans son honneur, il a déjà été privé de liberté pendant plus de onze ans au Royaume-Uni (une année en résidence surveillée avec un bracelet électronique, sept ans réfugié politique dans les locaux exigus de l’ambassade d’Équateur à Londres et depuis trois ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh).
Julian Assange risque d’être extradé vers les États-Unis qui le poursuivent pour « espionnage ». Là-bas, il encourt jusqu’à 175 ans de prison !
Depuis des années, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) avec ses 190 affiliées représentant quelques 600 000 adhérents des médias dans 150 pays et les syndicats nationaux ont plaidé sa cause sans relâche.
Depuis des années, des collectifs, des organisations, des médias, des personnalités alertent sur la persécution dont est victime Julian Assange et demandent sa libération.
Plusieurs appels ont été lancés. Récemment, l’Appel de Genève* a réuni journalistes, rédacteurs en chef et directeurs, éditeurs et médias (Club suisse de la presse, 22 juin 2022).
Le 3 juillet, à la suite d’un rassemblement place de la République à Paris soutenu par une vingtaine d’organisations et de médias – à l’occasion du 51e anniversaire de Julian Assange –, un comité de soutien français est créé et un nouvel appel est lancé.
Cet Appel de Paris demande :
que Julian Assange soit libéré, protégé, réhabilité, rendu dans tous ses droits personnels et professionnels et indemnisé ;
que le gouvernement français lui accorde l’asile politique.
Julian Assange est nommé** en 2022 pour le prix des droits de l’Homme Václav Havel du Conseil de l’Europe qui, chaque année, récompense une personne, organisation non gouvernementale ou institution œuvrant à la défense des droits de l’Homme. C’est déjà une reconnaissance essentielle pour ce prisonnier politique victime de la raison d’État de Washington.
S’il était extradé vers les États-Unis, quelle personne au monde (journaliste, lanceur d’alerte, etc.) oserait encore informer sur des dossiers gênants pour l’administration américaine ?
JULIAN ASSANGE DOIT ÊTRE LIBÉRÉ.
LA FRANCE DOIT LUI ACCORDER L’ASILE.
Paris, le 18 juillet 2022
Signataires : Acrimed ; Alertes.me ; Anticor ; Assange, l’ultime combat ; Attac France ; Au poste ; Blast, le souffle de l’info ; Le Canard réfractaire ; Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics ; Élucid média ; Fédération internationale des journalistes (FIJ) ; Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) ; Le Grand Soir ; Là-bas si j’y suis ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Maison des lanceurs d’alerte ; Les Mutins de Pangée ; Rencontres annuelles des lanceurs d’alerte ; Robin des lois ; Syndicat national des journalistes (SNJ) ; Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) ; Terre et Liberté pour Arauco ; Toute la France avec Assange – Unity4JFrance.
* pressclub.ch
** Les six parrains et marraines sont : Mme Mairead Corrigan Maguire, prix Nobel de la paix ; M. Thorbjørn Jagland, ancien secrétaire général du Conseil de l’Europe ; M. Luiz Inácio Lula da Silva, ancien président de la République du Brésil (2003-2010) ; Mme Dominique Pradalié, présidente de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ; M. Noam Chomsky, professeur émérite de linguistique ; et M. Jeremy Corbyn, député britannique.
Pour contacter le comité de soutien et/ou rejoindre l’appel, écrire à : comitesoutienassange@protonmail.com.
Les signataires qui ont rejoints l’appel de Paris sont mis à jour dans le PDF ci-joint
Communiqué Suite au rassemblement du 3 juillet, un comité de soutien français à Julian Assange se constitue
Le 17 juin dernier, Londres a approuvé l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis, où il risque jusqu’à 175 années de prison pour « espionnage » (en fait, pour journalisme). Les avocats du fondateur de WikiLeaks ont fait appel de cette décision mais les recours se raréfient et le journaliste australien a déjà été privé de liberté pendant onze ans.
À l’appel d’une vingtaine d’organisations et de médias, entre 150 et 200 personnes se sont réunies dimanche 3 juillet – le jour de son 51e anniversaire – sur la place de la République à Paris pour demander sa libération et l’obtention de l’asile politique en France (voir le reportage de Blast).
Celles et ceux qui ont participé aux rassemblements antérieurs en soutien à Julian Assange savent qu’une telle affluence, certes encore modeste, témoigne d’un intérêt croissant pour cette cause urgente pour le principal concerné et sa famille, essentielle pour la liberté d’informer.
Lors des prises de parole, on a pu entendre :
• Arnaud Le Gall (député LFI du Val-d’Oise),
• Raphaëlle Primet (conseillère PCF de Paris),
• Dominique Pradalié (présidente de la FIJ),
• Emmanuel Vire (secrétaire général du SNJ-CGT),
• Olivier Da Lage (membre du bureau national du SNJ),
• Maryse Artiguelong (vice-présidente de la LDH),
• Éric Alt (vice-président d’Anticor),
• Bastien Charbouillot (membre du CA de la Maison des lanceurs d’alerte),
• François Korber (délégué général de Robin des lois),
• Viktor Dedaj (administrateur du site Le Grand Soir),
• Laurent Dauré (journaliste indépendant).
Suite à ce rassemblement encourageant, un comité de soutien français va se constituer. Il se proposera d’informer sur l’évolution de l’affaire et coordonner les futures actions.
Paris, le 4 juillet 2022
Comité de soutien Assange
comitesoutienassange@protonmail.com
Communiqué – Rassemblement pour Julian Assange le dimanche 3 juillet à 15 h, place de la République à Paris
Pour la quatrième année de suite, Julian Assange passera son anniversaire dans la prison de haute sécurité de Belmarsh au Royaume-Uni, connue pour être l’équivalent britannique de Guantánamo.
Après une année en résidence surveillée puis sept dans les locaux exigus de l’ambassade d’Équateur à Londres, cela fait donc plus de onze ans de privation de liberté. La persécution du fondateur de WikiLeaks, menée par Washington, a commencé en 2010 pour des activités de journalisme. En effet, c’est pour avoir révélé des crimes de guerre en Irak et en Afghanistan, mais aussi les turpitudes de la diplomatie états-unienne, qu’un journaliste est pourchassé, torturé, calomnié.
Alors que le Royaume-Uni vient d’approuver (le 17 juin) l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis, où il risque jusqu’à 175 années de prison pour « espionnage », il est plus urgent que jamais de se mobiliser pour demander sa libération. Les recours s’épuisent... La France, pays avec lequel le journaliste australien a de nombreux liens, peut et doit lui accorder l’asile politique.
Le mouvement de solidarité s’amplifie mais nous sommes encore loin du compte pour que les gouvernements entendent raison. C’est pourquoi, à l’occasion des 51 ans de Julian Assange, nous appelons à un rassemblement le dimanche 3 juillet à 15 h place de la République à Paris. Des journalistes, des responsables syndicaux et associatifs, des élus prendront la parole.
Pour la liberté de la presse. Pour les droits humains. Pour les idéaux démocratiques. Pour la justice et la vérité. Julian Assange doit être libéré, protégé et indemnisé.
Paris, le 1er juillet 2022
Signataires : Acrimed ; Anticor ; Assange, l’ultime combat ; Attac France ; Au poste ; Blast, le souffle de l’info ; Le Canard réfractaire ; Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics ; Élucid ; Fédération internationale des journalistes (FIJ) ; Le Grand Soir ; Là-bas si j’y suis ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Maison des lanceurs d’alerte ; Les Mutins de Pangée ; Rencontres annuelles des lanceurs d’alerte ; Robin des lois ; Syndicat national des journalistes (SNJ) ; Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) ; Terre et Liberté pour Arauco ; Toute la France avec Assange – Unity4JFrance.
Enfin une tribune des grands titres de la presse internationale en soutien à Assange !
Le 28 novembre dernier est parue une tribune signée par les directions de la rédaction de : The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel, El Pais à l’occasion des 12 ans de la publication du Cablegate
Voir +Le 28 novembre dernier est parue une tribune signée par les directions de la rédaction de : The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel, El Pais à l’occasion des 12 ans de la publication du Cablegate. Ces titres ont été, pour le moins, très ambigus depuis le début de l’affaire quand ils ont décidé de lâcher voir même lyncher leur collègue de WikiLeaks, qui ne pourrait être aujourd’hui traité de la sorte si seulement ils le reconnaissaient comme un « vrai journaliste », un collègue à défendre au nom de la liberté d’informer, comme l’ont fait, par ailleurs, des milliers de journalistes indépendants dans le monde, dont de nombreux syndicats de journalistes. Prenons ce qu’il y a à prendre ! Cette tribune, marquant un soutien contre l’extradition d’Assange, peut être comptée comme une petite victoire de la mobilisation en soutien pour Assange et pour que le silence soit enfin rompu chez les journalistes « mal à l’aise » avec cette affaire, qui en dit beaucoup sur l’état de la presse et ses contradictions parfois, le « deux poids deux mesures » étant un biais toujours très puissant quand il s’agit de documenter les crimes de guerres.
Encore des contre-vérités à décrypter
Mais il y a dans la tribune ce passage qui mérite qu’on s’y attarde dans la défense du journaliste le plus primé du XXIè siècle :
« Notre groupe de rédacteurs en chef et de directeurs de publication, qui ont tous eu l’occasion de travailler avec Julian Assange, a jugé nécessaire de critiquer publiquement son attitude en 2011 lorsque des versions non censurées des télégrammes diplomatiques ont été rendues publiques, et certains d’entre nous restent préoccupés par l’allégation figurant dans l’acte d’accusation américain selon laquelle il aurait aidé à l’intrusion informatique dans une base de données classée « secret-défense ».
Si vous avez lu la chronologie de notre livre publié avec Hacking Justice et vu le film de Clara Lopez-Rubio et Juan Pancorbo ou encore l’excellent livre de Nils Melzer (L’affaire Assange, éditions critiques) vous comprendrez mieux pourquoi on peut parler de trahison du New York Times et du Guardian envers Julian Assange et leurs lecteurs. Le quotidien britannique a encore le culot de conserver sa version des faits consistant à charger Assange pour la publication des câbles diplomatiques, se dédouanant ainsi de toute responsabilité mais qui ment par omission. Car ce sont bien deux journalistes du Guardian , qui ont travaillé avec Assange à la publication des révélations de WikiLeaks (dont celles de Manning), et qui ont fait preuve de manquements aux précautions élémentaires du journalisme, notamment par la divulgation publique, dans un livre (!), des codes pour accéder aux documents… Par erreur, semble-t’il ! (1) C’est précisément ce qui a forcé WikiLeaks à la publication de ces câbles afin d’informer assez rapidement par la voie la plus évidente les victimes potentielles de cette « bourde » qui n’auraient pas eu connaissance du livre (les journalistes du Guardian ne s’en sont pas vantés) et qu’ils sauvent leur peau, avant que ces documents ne risquent de les mettre effectivement en danger. D’ailleurs, les accusateurs États-Unien n’ont jamais amené un élément de preuve sur le fait que des agents ou indicateurs auraient été victimes de ces révélations car il semble qu’ils aient eu le temps de se mettre à l’abri se sachant en danger. Julian Assange avait aussi pris soin de prévenir les autorités nord-américaines avant chaque grande publication (2), de les expurger et de masquer les noms (ce qui prenait un temps fou pour une petite équipe comme WikiLeaks et avait nécessité une coopération avec la rédaction du Guardian) malgré la pression des journalistes souvent très pressés de bénéficier de l’effet de buzz de ces publications dans leurs journaux à grands tirages, soumis à une concurrence féroce. (3)
Quant à l’accusation d’aide à l’intrusion informatique « secret-défense », qui transformerait le journaliste Assange en espion, il y a aussi beaucoup à dire mais rien n’est dit justement… Une allégation sans aucune preuve à ce jour et qui, par ailleurs, n’enlève rien à la véracité des faits révélés. Des journalistes continuent à reprocher à WikiLeaks les révélations sur les tricheries de la candidate Hillary Clinton pendant les primaires démocrates (au désavantage de Bernie Sanders) qui, selon eux, auraient couté la victoire contre Trump en 2016…
Notons cependant que la tribune n’a pas relancé les accusations bidons de « viol » qui ont ruiné l’image d’Assange pendant des années, l’ont acculé à se réfugier dans l’ambassade d’Equateur à Londres, avant que la C.I.A. envisage de l’assassiner, de l’enlever secrètement... puis qu’il en a été officiellement enlevé pour être jeté dans la prison de Belmarch afin d’être livré aux États-Unis au nom de l’Espionage act de 1917, alors que les accusations d’agression sexuelles en Suède étaient finalement abandonnées et ne constituait donc plus un prétexte. Les mensonges et la rumeur ont joué un rôle très important dans cette affaire. Que les soutiens potentiels à Assange aient été refroidis à l’époque en 2010, c’est tout à fait compréhensible, mais en 2022, que des journalistes ne prennent pas le temps de lire les documents désormais à disposition relève soit de l’incompétence soit de la mauvaise foi criminelle (soit les deux). Mais, ce n’est pas le cas, heureusement, de cette tribune… qui constitue, au moins, sur cet aspect, un pas de plus vers une analyse plus rationnelle de la situation.
L’expression d’une solidarité qu’il faut encourager !
Aussi, malgré les réserves, saluons cette expression de solidarité (enfin !) :
« Mais nous sommes solidaires aujourd’hui pour exprimer notre grande inquiétude face aux poursuites judiciaires sans fin que subit Julian Assange pour avoir recueilli et publié des informations confidentielles et sensibles. »
Encore un petit effort de solidarité peut être accompli pour sauver Assange, sur le modèle de John Young, fondateur du site Cryptome, qui a demandé au ministère américain de la Justice de l’inculper également car il a publié des fichiers non expurgés du département d’État avant WikiLeaks.**
On peut rêver que si les journalistes de The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel, El Pais, qui ont aussi publié les révélations de WikiLeaks, emboitent le pas de John Young, il serait plus compliqué pour les États-Unis de détruire ouvertement la liberté d’informer, en vertu du premier amendement de la Constitution et l’inculpation d’Assange ne tiendrait plus à grand chose.
En attendant, prenons cette tribune pour ce qu’elle est : une bonne nouvelle et le signe qu’il se passe quelque chose. D’autant qu’elle se termine par cette vérité sur laquelle tout le monde devrait s’entendre : « Publier n’est pas un crime. »
Olivier Azam.
P.S. Afin de mieux comprendre à quel point le soutien du journal Le Monde est pour le moins ambigu, Laurent Dauré, du comité de soutien à Assange en a fait une écoute commentée ici : Analyse des propos du directeur du « Monde » sur France Culture à propos d’Assange
(1) David Leigh et Luke Harding ont publié un livre avec le mot de passe en Février 2011 : WikiLeaks : Inside Julian Assange’s War on Secrecy, Guardian Books (le même Luke Harding qui a coécrit la fausse histoire Manafort-Assange, fakenews concernant une rencontre qui n’a jamais eu lieue entre Julian Assange et Paul Manafort, l’ancien directeur de campagne de Donald Trump. Lire The Guardian et Julian Assange - Mint Press) Une version expurgée des câbles du département d’État avait été publiée en novembre 2010 par WikiLeaks et ses partenaires traditionnels, le New York Times, The Guardian, El Pais, Le Monde et Der Speigel.
C’est le site Cryptome qui a publié pour la première fois les cables suite à la divulgation du mot de passe par les journalistes du Guardian.
Lire l’article Le fondateur de Cryptome demande à être inculpé avec Assange sur Consortium News, 30 novembre 2022
Traduction sur Legrandsoir.info
(2) Après avoir tenté (en vain) de convaincre l’hebdomadaire allemand Der Freitag de ne pas publier les informations qu’il jugeait à risque pour des personnes sur le terrain, Julian Assange a tenté de prévenir le gouvernement américain de la publication des câbles en appelant le Département d’Etat, comme on peut en voir une séquence filmée dans le film Risk de Laura Poitras. Der Freitag a publié son scoop en août 2011.
(3) Les premières publications de WikiLeaks sont sélectionnées et expurgées afin d’éviter tout risque d’exposer des personnes à risque, et WikiLeaks a confié leur rédaction à des journalistes des journaux partenaires. Ce n’est qu’après les publications des deux journalistes du Guardian et de Der Freitag que Julian Assange décide de publier à son tour les documents du CableGate, le 1er septembre 2011 (Source : L’affaire Assange de Nils Melzer, éditions critiques)
Lire aussi notre article Un point sur la situation de Julian Assange
L’entretien avec Stella Assange dans L’Humanité
Rassemblement pour exiger l’asile politique de Julian Assange en France
Paris, 18 décembre 2021
Voir +Rassemblement à Paris pour exiger de l’Etat français qu’il accorde en urgence l’asile politique à Julian Assange. Extraits des prises de paroles avec Aymeric Monville, Maryse Artiguelong (au nom de la Ligue des droits de l’Homme ), Viktor Dedaj (Le Grand Soir), le député Cédric Villani, François Korber (Robin Des Lois), Laurent Bouhnik et d’autres citoyens soutiens d’Assange.
Réponses aux perfidies de l’AFP sur Julian Assange
Dans l’apparente neutralité d’une dépêche du 10 décembre 2021 annonçant que la Haute Cour de Londres venait de rendre de nouveau possible l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis, l’AFP prend fait et cause contre un confrère journaliste, fondateur de WikiLeaks, lentement assassiné dans la (...)
Voir +Dans l’apparente neutralité d’une dépêche du 10 décembre 2021 annonçant que la Haute Cour de Londres venait de rendre de nouveau possible l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis, l’AFP prend fait et cause contre un confrère journaliste, fondateur de WikiLeaks, lentement assassiné dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres.
Le titre annonce la couleur : « Julian Assange, héros controversé de la liberté d’informer ».
Controversé ? Vraiment ?
L’auteur de la dépêche (Sylvain Peuchmaurd) note que Julian Assange « a vu son image se troubler avec le temps ». De quel trouble s’agit-il ? Et qui estime que trouble il y a ?
Depuis les révélations de Chelsea Manning via WikiLeaks en 2010, documentant les crimes de guerre et les actes de torture commis régulièrement par l’armée des États-Unis en Afghanistan, en Irak et dans la prison de Guantánamo, Julian Assange est officiellement devenu « une cible prioritaire » pour Washington. Plus que « troublée », nous avons assisté en dix ans à la totale destruction de l’image d’Assange, organisée par les États-Unis et leurs subordonnés, autour des allégations de « délits sexuels » dans l’affaire suédoise qui, après neuf ans de procédure, s’est soldée par un abandon des poursuites dans un relatif silence médiatique si on le compare à l’empressement à l’accuser de viol.
Après son arrestation dans l’ambassade d’Équateur à Londres le 11 avril 2019, Julian Assange a purgé la lourde peine de 50 semaines de prison dans une prison de haute sécurité pour n’avoir pas respecté les conditions de sa liberté conditionnelle (ayant épuisé tous ses recours face à la justice britannique, l’extradition vers la Suède était imminente en juin 2012, il avait alors brisé son bracelet électronique avant de se réfugier dans l’ambassade équatorienne). Il a ensuite été maintenu en détention à Belmarsh à la demande de Washington qui veut juger le journaliste australien sur la base de chefs d’inculpation essentiellement fondés sur l’Espionage Act qui est une loi interne aux États-Unis, créée en 1917 pour enfermer les opposants à l’entrée en guerre.
La dépêche de l’AFP précise : « Son image de “cyber-warrior” aux cheveux blancs s’est brouillée au fil des ans, en particulier avec la diffusion par sa plateforme, en 2016, pendant la campagne présidentielle américaine, de milliers de courriels piratés provenant du Parti démocrate et de l’équipe d’Hillary Clinton. »
Le journaliste de l’agence de presse n’a pas trouvé la place de préciser ce que contiennent les révélations de ces courriels qui ont « brouillé l’image » d’Assange :
la publication par WikiLeaks de courriels prouvant comment la direction du Parti démocrate américain a manipulé les primaires pour favoriser Hillary Clinton au détriment de Bernie Sanders, notamment comment la candidate a triché lors des débats en ayant accès à l’avance aux questions ;
les révélations par WikiLeaks d’extraits des conférences payées par Goldman Sachs en 2013 et le financement de la Fondation Clinton par l’Arabie saoudite alors que les records de ventes d’armes à ce pays ont été battus sous le mandat de secrétaire d’État Hillary Clinton.
En février 2016, WikiLeaks avait aussi publié les « NSA Targets World Leaders » révélant comment, pendant la présidence de Barack Obama, les services américains avaient espionné une réunion privée sur la stratégie de lutte contre le changement climatique entre le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin ainsi que la mise sur écoute de plusieurs grands diplomates et hauts dirigeants (dont Nicolas Sarkozy), le chef de cabinet du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), des hauts responsables de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et de l’Union européenne.
Toutes ces vérités, que personne n’a pu nier, l’AFP semble les ignorer ou les juger désormais non publiables. Pourquoi ?
« Selon la CIA, ces documents ont été obtenus auprès d’agents russes, ce que nie la plateforme », dit la dépêche, renvoyant dos à dos les deux parties en oubliant de préciser que ces allégations n’ont pu être prouvées par les États-Unis, notamment dans la très longue et très coûteuse enquête du procureur spécial Robert Mueller sur la soi-disant ingérence russe dans ce dossier (lire Aaron Maté, « CrowdStrikeOut : Mueller’s own report undercuts its core Russia-meddling claims », RealClearInvestigations, 5 juillet 2019).
L’AFP ne précise pas que WikiLeaks n’a pas seulement publié des documents révélant la surveillance massive de leur propres citoyens par les services de renseignement – publics et privés – états-uniens mais aussi celle de leurs équivalents russes sur leur population (« Spy Files Russia », septembre 2019, en partenariat avec Mediapart et La Repubblica), mais sans que ces révélations ne provoquent une demande d’extradition de Julian Assange du Royaume-Uni vers la Russie.
« Ces révélations avaient alors suscité des éloges appuyés du candidat Donald Trump, qui avait lancé lors d’un meeting : "J’adore WikiLeaks !" », se souvient l’AFP, en occultant le fait que WikiLeaks avait dénoncé en janvier 2017 la promesse de campagne non tenue de Trump sur la publication de sa déclaration d’impôts, et en oubliant aussi que, le 21 avril 2017, le ministre US de la Justice Jefferson « Jeff » Session avait fait de l’arrestation d’Assange une « priorité » pour les États-Unis et que le président Trump n’a jamais fait le moindre geste pour arrêter les poursuites contre lui, son « soutien » à WikiLeaks s’étant limité à une boutade de meeting de campagne.
« En 2011, les cinq journaux (dont The New York Times, The Guardian et Le Monde) associés à WikiLeaks condamnent la méthode de la plateforme, qui rend publics des télégrammes du département d’État américain non expurgés. Ils estiment que les documents sont susceptibles de “mettre certaines sources en danger”. La critique sera reprise par le lanceur d’alerte Edward Snowden », pointe l’AFP qui semble ignorer quelques détails importants :
ces grands titres de la presse internationale ont justement publié de nombreuses révélations en partenariat avec WikiLeaks, dont les « Afghans War Diaries », « The Iraq War Logs » et le « Cablegate » en 2010 ;
lors des audiences d’extradition en 2020, aucun des journalistes de ces journaux n’est venu dénoncer les méthodes d’Assange. Au contraire, le journaliste américain John Goetz, qui travaillait au Spiegel au moment de ces grandes révélations, a témoigné en faveur du fondateur de WikiLeaks, insistant sur sa déontologie exigeante. Selon lui, Assange a personnellement veillé à ce que les noms des informateurs vulnérables apparaissant dans des centaines de milliers de documents secrets du gouvernement américain ne soient jamais publiés ;
WikiLeaks a sollicité le Pentagone pour qu’il efface lui-même les noms des agents potentiellement menacés mais les autorités américaines n’ont pas donné suite. On peut notamment le voir dans le documentaire de Laura Poitras, Risk (2016) ;
en 2010, Julian Assange a lui-même refusé au Guardian de publier des documents car il estimait que ceux-ci risquaient de mettre en danger des personnes. Il n’a pas cédé au harcèlement des journalistes du quotidien britannique, pressés de rendre publics les documents dont ils avaient obtenu une copie ;
en février 2011, dans leur livre WikiLeaks. Inside Julian Assange’s War on Secrecy (Guardian Books), David Leigh et Luke Harding, journalistes au Guardian, ont publié le mot de passe confié par Assange permettant d’accéder aux 250 000 câbles diplomatiques non expurgés.
« Ce faisant, David Leigh et le Guardian ont violé de manière répétée les conditions de sécurité de WikiLeaks, notamment notre consigne que les câbles non publiés soient mis à l’abri des services secrets en les conservant sur des ordinateurs non connectés à internet », déplorait Julian Assange dans un communiqué.
Quoi qu’il en soit, les États-Unis n’ont jamais apporté le moindre début de preuve contre Julian Assange permettant de l’accuser d’avoir « du sang sur les mains » comme avait pourtant titré le New York Times, en désignant celui qui, justement, avait révélé à quel point ses accusateurs trempent dans le crime.
Pour avoir publié ces vérités, que personne ne peut aujourd’hui contester, Assange a payé de sa liberté depuis presque dix ans et risque aujourd’hui de mourir en prison sans avoir été condamné pour le moindre crime. Ce n’est pas seulement, comme l’écrit l’AFP, un « noyau dur » qui « lui est resté fidèle à l’instar de la créatrice britannique Vivienne Westwood, et nombre d’associations de journalistes ou de défense des droits humains » (ce qui est déjà beaucoup), mais des experts médicaux indépendants, ainsi que ceux qui dénoncent les conditions de détention d’Assange comme Doctors for Assange, un collectif international de plus de 300 médecins, et bien sûr le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer.
L’AFP laisse entendre que Snowden serait désormais contre Assange, or le lanceur d’alerte de la NSA ne cesse de soutenir le fondateur de WikiLeaks, suggérant même à Donald Trump avant la fin de son mandat que « s’il fallait gracier une seule personne, il fallait gracier Assange ». Pas plus tard que ce 10 décembre, Edward Snowden exprimait son indignation face au jugement de ce jour dans plusieurs tweets et retweets. Autant d’éléments que l’AFP ne peut ignorer si elle connaît l’existence de Twitter.
Les avocats de Julian Assange vont saisir la Cour suprême pour tenter d’éviter sa probable extradition vers les États-Unis où il risque 175 ans de prison pour avoir dit la vérité et fait ce que tout journaliste est censé faire, comme l’AFP est bien placée pour le savoir. La persécution est rendue possible par la passivité voire la complicité des médias dominants et ce genre de dépêche qui valide les arguments de Washington contre la liberté d’informer en répétant les calomnies habituelles.
N’en déplaise à l’AFP, Julian Assange est le journaliste le plus primé du XXIe siècle et il est soutenu par de nombreux confrères dans le monde, des syndicats de journalistes (en France par le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes, à l’échelon international par la FIJ), des ONG comme RSF, Amnesty International, Human Rights Watch...
En espérant que s’il reste encore à l’AFP quelques journalistes attachés aux faits, ils prendront en compte ces éléments en vue d’un correctif et des excuses publiques pour cette dépêche qui « porte la plume dans la plaie » de la torture qui tue à petit feu leur confrère.
Olivier Azam,
Les Mutins de Pangée
DANS LE PODCASt dES MUtiNS
Pour rester informer des nouveaux épisodes par vos plateformes préférées (Apple podcast, Google podcast, Amazon music, Castro, Deezer, Spotify, Overcast, Podcast addict :
Affaire USA vs Assange : La lutte continue.
Retour sur ce vendredi 10 décembre, vendredi noir pour les droits de l’Homme alors que la justice britannique vient d’annoncer qu’elle revient sur sa décision de ne pas extrader Julian Assange.
Voir +Lettre-info du 11/12/2021
Comme un terrible symbole pour cette “journée internationale des droits de l’Homme”, ce vendredi 10 décembre, la justice britannique vient d’annoncer qu’elle revient sur sa décision (de janvier) de ne pas extrader Julian Assange, obéissant ainsi à la volonté impériale de Washington qu’on lui livre le plus grand journaliste de notre temps*, pour avoir révélé la vérité. Sale journée pour les droits de l’Homme et pour la démocratie.
*Julian Assange est le journaliste le plus primé du XXIe siècle.
LA LUTTE CONTINUE
Que va t’il se passer maintenant ?
Sur le plan juridique, nous voilà revenu un an en arrière avant que le Royaume-Uni rejette (temporairement donc) la demande d’extradition des États-Unis au vu de l’état de santé de Julian Assange et du risque de suicide. Décision qui avait été prise par la juge britannique juge Vanessa Baraitser, tout en validant les arguments de fond des États-Unis qui assimilent le journalisme à de l’espionnage. C’était dans l’attente de la prise de fonction du président Joseph Biden alors fraîchement élu qui a aussitôt relancé les poursuites contre Assange.
La défense d’Assange va faire appel de cette nouvelle décision auprès de la Cour Suprême… ce qui signifie des mois et des mois d’attente avant l’examen du dossier, des nouvelles audiences, des recours encore possible dans cet interminable marathon judiciaire mais surtout politique… Il suffirait que le président Biden décide que cette affaire doit s’arrêter pour que tout s’arrête, mais rien ne risque d’arriver sans une pression internationale, une mobilisation citoyenne et médiatique, aussi mince soit l’espoir.
Depuis avril 2019, après 7 ans d’enfermement dans l’ambassade d’Équateur à Londres, Julian Assange est cyniquement assassiné à petit feu dans la prison de haute sécurité de Belmarsh… là où devraient plutôt être emprisonnés ceux qui ont commis les crimes qu’il a révélé. Nos pensées vont en priorité vers lui et ses proches, sa compagne Stella Moris, ses enfants, son père John Shipton qui vivent tous un nouvel épisode très violent.
Que pouvons-nous faire ?
Plus que jamais il faut porter les voix en défense d’Assange et éclairer ce que révèle cette affaire. Déjà pour l’aider par notre soutien à tenir encore dans cette épreuve de torture particulièrement sadique qu’il vit depuis des années dans la prison britannique (un article de Grayzone traduit ici en témoigne ou encore l’intervention de Nils Melzer lors du débat à l’Espace Saint-Michel le 25 novembre).
Continuer à éclairer cette affaire est à la fois une question de dignité et un début de résistance à ce qui semble pour beaucoup inéluctable voire même "acceptable". Le silence serait la pire des défaites. Laissons ce silence à certains journalistes qui continuent à creuser tranquillement leur tombe par complicité, peur, ignorance, incompétence… ce qui revient au même et aboutira au même résultat. Continuer à raconter ce qu’a révélé WikiLeaks et son fondateur Julian Assange, qui a fait le sacrifice de sa liberté pour la vérité, est le minimum que l’on puisse faire. Se mobiliser chacun à son niveau possible d’action pour que la France prenne officiellement position pour défendre Assange et avec lui le principe même du journalisme contre le diktat de criminels qui ne contestent pas la réalité de leurs crimes “au nom de la démocratie” mais simplement le fait de les avoir révélés aux yeux du monde.
ASILE POLITIQUE EN FRANCE POUR ASSANGE !
Comme il nous l’avait promis lors du ciné-débat à l’Espace Saint-Michel, le député Cédric Villani nous a proposé d’organiser une projection de Hacking Justice à l’Assemblée Nationale ce lundi. Nous y allons avec détermination pour essayer encore de convaincre quelques députés de plus dans l’initiative “transpartisane” de proposition de résolution pour “inviter le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange”.
La France va t’elle défendre les droits humains et la liberté de la presse ?
Nous sommes très lucides sur la réalité de la position de soumission de la France face aux États-Unis mais il y a eu des précédents historiques (le refus de participer à la deuxième guerre de destruction de l’Irak basée sur un gros mensonge, par exemple) dont peuvent encore s’inspirer nos élus dans une contexte d’actualité particulièrement humiliant pour la France. Ne pas tout essayer ne serait pas digne de la "patrie des droits de l’Homme”. Vous pouvez bien sûr de votre côté poser des questions à vos députés sur le sujet, les interroger sur leur position et leur demander s’ils ont signé, ou compte signer et voter cette proposition de loi.
COMPRENDRE L’AFFAIRE ASSANGE ET SES ENJEUX
Vous êtes désormais nombreux parmi les lecteurs de cette lettre-infos à avoir pris connaissance de notre coffret Livre-DVD autour du film Hacking Justice de Clara López Rubio et Juan Pancorbo, et il reste selon nous le meilleur moyen de se mettre à jour sur le dossier (en savoir plus).
Aussi, vous pouvez retrouver en libre accès nos derniers débats filmés par l’équipe de l’espace Saint-Michel à Paris que nous remercions pour son accueil chaleureux pendant près d’un mois où nous avons animé 12 ciné-débats dans cette salle (un record ?), avec le soutien des Amis du Monde Diplomatique, la Ligue des droits de l’Homme, Là-bas si j’y suis, #AUPOSTE, L’Humanité, Blast… et le relais de nombreux indépendants.
De nouvelles vidéos à voir en libre accès :
- Ciné-débat avec Mathias Reymond d’ACRIMED (et Laurent Dauré)
- Ciné-débat avec David Dufresne de #AUPOSTE (et Olivier Azam).
- Ce qu’il faut savoir du procès Assange par Viktor Dedaj, sur la chaîne du Canard réfractaire.
À VOIR SUR hackingjustice.fr ( LIVE & MEDIAS) ainsi que beaucoup de vidéos sur l’affaire Assange (à durées variables selon le temps dont vous disposez)
Et les ciné-débats continuent dans d’autres salles en décembre malgré les difficultés de la période :
- Majestic Bastille à Paris avec la LDH et la maison des lanceurs d’alerte le 12 décembre à 11h
- Cinéma Le Klub de Metz avec les AMD, Amnesty International et le CMDPH, le 14 décembre à 20h
- Cinéma Le Lido à Limoges avec Daniel Mermet et l’association Mémoire à vif, le 16 décembre à 20h30
- UGC Roxane à Versailles, avec les AMD, l’association Culture et Cinéma, Meriem Laribi et Laurent Dauré le 17 décembre à 19h
D’autres séances continuent à se programmer en janvier. On la fermera pas !
Faut Pas Mollir !
Les Mutins de Pangée
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Les gardes chiourmes de Julian Assange
Ils obéissent au doit et à l’oeil de Washington. L’affaire Assange montre leur vrai visage.
Voir +Julian Assange a été arrêté au sein de l’ambassade d’Equateur à Londres le 11 avril 2019, suite à la trahison du nouveau président équatorien Lénin Moreno, après son allégeance aux Etats-Unis de Trump. Dans cet extrait de Hacking Justice de Clara Lopez Rubio et Juan Pancorbo, l’image de Theresa May devant la chambre britannique en dit long.
On a appris ensuite qu’Assange et ses avocats, ses visiteurs et ses défenseurs ont aussi été espionnés dans l’Ambassade pour le compte des Etats-Unis. Il est désormais confirmé que la CIA avait aussi envisagé de l’assassiner ou de le kidnapper, avant de finalement obtenir son enlèvement par la police britannique au sein même de l’ambassade, le 11 avril 2019. À cette occasion, les documents et disques durs concernant sa stratégie de défense ont été volés.
Julian Assange a ensuite purgé la lourde peine de 50 semaines dans de la prison de haute sécurité de Belmarsh pour n’avoir pas respecté les conditions de son contrôle judiciaire dans l’affaire suédoise (avec le bris de son bracelet électronique quand il s’est réfugié à l’ambassade)… Une fois purgée sa peine, il a été maintenu en détention à Belmarsh à la demande des Etats-Unis qui veulent juger le journaliste australien sur la base de chefs d’inculpations essentiellement fondés sur L’Espionage Act, qui est une loi interne aux Etat-Unis, inventée en 1917 pour enfermer les opposants à l’entrée en guerre.
En janvier 2021, la juge Vanessa Baltaiser rejetait (temporairement donc) la demande d’extradition des États-Unis au vu de l’état de santé de Julian Assange et du risque de suicide, tout en validant les arguments de fond des États-Unis qui assimilent le journalisme à de l’espionnage.
Le 10 décembre 2021, suite à l’appel des Etats-Unis, la justice britannique est revenue sur ce jugement, ouvrant à nouveau la possibilité d’extrader le journaliste Julian Assange pour qu’il soit jugé pour espionnage aux Etats-Unis, où il risque 175 ans de prison.
Ciné-débats Julian Assange
Autour de la sortie de Hacking Justice, le cinéma Espace Saint-Michel à Paris filme les débats à revoir ici.
Voir +Autour de la sortie de Hacking Justice, le cinéma Espace Saint-Michel à Paris filme les débats à revoir ici.
ENTRETIEN AVEC LES RÉALISATEURS DU FILM HACKING JUSTICE
Entretien avec Clara López Rubio et Juan Pancorbo
Voir +D’où venez-vous ?
Clara López Rubio : Juan et moi avons tous deux étudié le cinéma à l’Académie du film et de la télévision de Berlin où nous avons réalisé plusieurs courts métrages de fiction. Nous avions travaillé sur la guerre civile espagnole et la dictature franquiste, un sujet qui nous a toujours interpellés car il est étroitement lié à notre histoire personnelle. Mais nous avons surtout raconté des histoires de personnages dont la vie a été affectée par des événements politiques. Dans Hacking Justice, les personnages que nous suivons ne sont pas seulement affectés par ces événements politiques mais ils sont capables de les influencer. Ils ont marqué l’histoire et vont probablement continuer à le faire.
Comment ce projet a-t-il commencé ? Comment avez-vous eu accès aux protagonistes ?
Clara López Rubio : Nous avions pris contact avec le juge Garzón pour réaliser un film sur sa carrière. C’était l’été 2012 et nous sommes allés lui rendre visite dans sa ville natale, Torres, en Andalousie. Il venait d’être radié du barreau et était en train de se reconvertir en avocat. C’est à cette époque qu’il a reçu un appel de Julian Assange et a accepté de coordonner sa défense pro bono. C’était une histoire qui valait la peine d’être racontée. Soudain, apparaissait un autre personnage fascinant et controversé, et une affaire d’actualité qui suscitait un grand intérêt au niveau international.
Juan Pancorbo : L’accès à des personnages aussi importants pour deux réalisateurs sans filmographie derrière eux – car c’est notre premier long métrage – a été un véritable défi. Nous nous sommes présentés tels que nous étions, sans le soutien de grandes sociétés de production, n’étant pas des spécialistes des questions juridico-politiques, mais animés de curiosité, déterminés à apprendre et à raconter.
Il fallait faire face à de nombreuses difficultés liées à la réalisation d’un film sur des avocats dans une affaire en cours, sous haute tension politique, dans laquelle ils devaient tous être extrêmement prudents. Nous avons fait de nombreux voyages pour rien car on nous a plusieurs fois refusé l’autorisation de tourner au sein de l’ambassade... Mais nous nous sommes tenus devant le balcon de la chambre de Julian Assange et nous avons continué à insister calmement et patiemment. Comme les protagonistes du film n’étaient pas prêts à abandonner, nous avons décidé de ne pas abandonner non plus. Et nous avons opté pour la « contrebande » de jambon Serrano et autres produits espagnols au sein de l’ambassade ! (rires)
Quelles étaient les règles du jeu ?
Clara López Rubio : Nous documentions un processus légal, une affaire encore ouverte, avec de nombreuses implications politiques… La seule condition était de ne pas saper la défense de Julian Assange, en révélant des détails de sa stratégie, par exemple. Nous avons aussi respecté le choix de certains membres de l’équipe qui ne souhaitaient pas apparaître devant la caméra. Nous nous sommes engagés à montrer le résultat final aux avocats avant de le rendre public. C’était la seule règle.
Comment avez-vous tenu le fil de ce récit dont l’issue était incertaine de bout en bout ?
Clara López Rubio : Le récit de départ était la rencontre de ces deux personnalités apparemment très différentes aux destins croisés. Baltasar Garzón nous a expliqué qu’il voyait la défense de Julian Assange comme la défense d’un principe fondamental de la démocratie : la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information. Et ça correspondait parfaitement à notre vision initiale. La confiance se construit avec le temps et le fait inattendu que le tournage a duré neuf ans a finalement joué en notre faveur.
Au fil du temps, nos personnages ont grossi et maigri, nous avons tous fait des cheveux blancs, nos enfants ont grandi... Notre regard a changé et nous étions de plus en plus convaincus que ce que nous faisions en valait la peine. Nos protagonistes, avec qui nous partagions cette expérience, ont compris que nous n’abandonnerions pas non plus et cela a contribué à atteindre ce niveau de confiance et d’intimité nécessaire pour réaliser ce genre de documentaire.
Juan Pancorbo : Au départ, le film montre le travail de Baltasar Garzón à la tête de l’équipe juridique internationale qui défend le rédacteur en chef de WikiLeaks, Julian Assange. En termes visuels, nous l’avons présenté ainsi : un homme enfermé dans une pièce et un autre qui voyage à travers le monde avec pour mission de le faire sortir. Mais les grandes questions sont en arrière-plan, car ce qui est en jeu dépasse largement le sort d’un seul individu. Nous parlons de l’avenir de l’Internet, la transparence des gouvernements et des entreprises, la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte, l’asile diplomatique si profondément ancré dans les pays d’Amérique latine… Avec le recul des années, la persécution de Julian Assange est la preuve sans équivoque que la liberté d’information et de la presse est menacée dans les démocraties occidentales.
Comment Hacking Justice a-t-il été produit ?
Juan Pancorbo : La lenteur de la progression de l’affaire a engendré de grandes difficultés de production. Nous avons commencé le tournage grâce à un financement de la chaîne de télévision allemande WDR. Comme il s’agissait d’une affaire juridique complexe, avec de nombreux scénarios possibles, nous avons dû payer des voyages dans le monde entier : en Équateur, aux États-Unis, à Genève, à Madrid, à Londres… La plupart de ces voyages n’ont été décidés seulement que quelques jours à l’avance, engendrant des surcoûts et un temps de préparation minimal. Nous devions être toujours en alerte et prêts à bouger rapidement. Nous faisions ce film pendant notre temps libre, en le combinant avec nos emplois, nos familles respectives et l’éducation de nos enfants... Après un an et demi de tournage, nous avons commencé à manquer de budget. Heureusement, la société de production espagnole MediaSur et la chaîne de télévision Canal Sur ont rejoint le projet. Après deux ans, nous avons de nouveau manqué de budget pour continuer à tourner. Puis nous avons reçu un peu de soutien de la part de télévisions belge (VRT) et franco-suisse (RTS). En bref, nous avons sans cesse investi notre propre argent dans le projet, mais heureusement, nous avons toujours réussi à trouver de nouvelles sources de financement.
Au fur et à mesure que le temps passait, la pression pour terminer le film augmentait. Mais l’histoire n’avait toujours pas d’issue : nous étions en 2017, Julian était toujours à l’intérieur de l’ambassade, les avocats n’avaient pas beaucoup avancé dans leurs actions – à l’exception du grand succès de la résolution du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire en 2016 – et l’image de Julian dans le monde était fortement attaquée...
Dans ces conditions, nous avons été contraints de terminer notre film, tout en sachant qu’il n’allait pas avoir une grande diffusion car il véhiculait une image d’Assange et de ses collaborateurs qui n’allait pas être acceptée tellement elle différait de la « version officielle ».
Avez-vous perçu une pression extérieure ? Une surveillance ?
Juan Pancorbo : À aucun moment nous n’avons eu l’impression d’être espionnés. Bien entendu, nous avons remis nos papiers et nos téléphones à l’agent de sécurité de l’ambassade à chaque fois que nous sommes entrés, mais nous ne pouvions pas soupçonner le double jeu auquel se livrait la société de sécurité, même si l’Équateur avait déjà signalé la présence d’un microphone dans les locaux diplomatiques. Il n’y avait aucune menace, aucun contrôle extraordinaire dans les aéroports. Nous avons pu accompagner Baltasar Garzón aux États-Unis, en informant les autorités de la raison de ce voyage. Les services secrets ont bien fait leur travail cette fois-ci. (rires)
Quelles ont été les plus grandes difficultés durant ces neuf ans ?
Clara López Rubio : En ces temps de pandémie, tout le monde peut désormais imaginer quelles sont les difficultés de mener un projet dans l’incertitude permanente. Il fallait se rendre sur place sans savoir si on pouvait tourner et ça impliquait forcément de dépenser de l’argent pour les billets d’avion, les hôtels, la location et le transport du matériel. Les protagonistes ne pouvaient pas trop nous tenir au courant de leurs agendas et de leurs voyages, pour des raisons faciles à comprendre.
Nous avons dû faire un véritable travail de détective et prendre quelques risques pour tourner, avec un certain optimisme. Pendant les premiers mois, nous avons cru que l’affaire pouvait se résoudre rapidement, que Julian pouvait quitter l’ambassade à tout moment et ce sentiment d’urgence nous a fait prendre beaucoup de décisions hâtives sur ce qu’il fallait tourner. Puis nous sommes passés à l’attitude inverse : des mois et des années d’impasses, où il semblait que l’équipe de défense ne faisait aucun progrès et que la situation pouvait s’éterniser. Et puis soudain, quelque chose se produisait et nous devions laisser tomber notre vie quotidienne pour repartir aussitôt tourner. Mais nous étions portés par l’enthousiasme, l’endurance, la force et la conviction de nos protagonistes, non seulement Julian, mais aussi toutes les personnes qui apparaissent dans notre documentaire. Et aussi les personnes qui sont venues chaque semaine devant l’ambassade, qui ont organisé les veillées à Londres, mais aussi à Berlin et dans d’autres villes, à une époque où pratiquement personne d’autre ne soutenait Julian Assange. Aujourd’hui, la situation a changé, davantage de gens ont compris l’injustice qui lui est faite et ce que ça signifie pour nos démocraties ; quelques voix s’élèvent en politique, jusqu’au Parlement européen... Mais il y a quelques années, presque personne ne se souciait du sort d’Assange, il était devenu un « pestiféré ». C’est pourquoi nous avons été impressionnés par le courage de ces gens que nous avons filmés. Un courage qui est vraiment « contagieux » [comme dit souvent Assange] et qui nous a aidés à surmonter de nombreux moments de désespoir pour aller au bout de ce film.
Malgré cela, pourquoi la mobilisation en faveur de Julian Assange est-elle encore si faible en 2021 ?
Juan Pancorbo : C’est avant tout le résultat des campagnes de dénigrement successives dont il a fait l’objet. On a dit de lui qu’il avait « du sang sur les mains » parce qu’il avait publié des informations non filtrées mais les procureurs états-uniens n’ont présenté aucune preuve de cette accusation lors des audiences d’extradition. Puis sont venues les allégations de viol en Suède, ce qui a ruiné sa réputation. Qui peut prendre fait et cause pour un violeur ? Mais il s’avère que l’affaire n’a jamais dépassé le stade d’une « enquête préliminaire » en Suède, que le parquet suédois n’a jamais porté plainte et que l’affaire a été classée plusieurs fois jusqu’à sa clôture définitive en 2019. En outre, l’image de Julian Assange a été construite dans les médias – et même dans les films hollywoodiens – comme quelqu’un de terriblement égocentrique et despotique envers ses collaborateurs. Un récit s’est imposé : WikiLeaks était peut-être une initiative précieuse, mais son fondateur était un monstre qui avait fini par détruire son propre projet par trop d’ambition. Le rôle des grands médias est particulièrement intéressant. Au début, ils ont reconnu la valeur journalistique de WikiLeaks et ont partagé ses publications ; ensuite, ils ont décidé que Julian Assange ne faisait pas partie de la corporation des journalistes, ce qui est devenu très dangereux pour lui, car en l’expulsant de la sorte, non seulement ils l’ont isolé et l’ont rendu plus vulnérable aux attaques, mais ils lui ont également coupé les garanties et les protections que la Constitution accorde à la presse. On a alors prétendu qu’il avait aidé Trump à accéder au pouvoir, qu’il collaborait avec la Russie pour interférer dans les élections US, etc. Heureusement, ce point de vue semble changer avec le temps, notamment grâce au rôle actuel d’organisations telles que Reporters sans frontières et de personnalités telles que le rapporteur de l’ONU sur la torture, Nils Melzer.
Comment percevez-vous la justice internationale après avoir filmé l’affaire Assange pendant toutes ces années ?
Juan Pancorbo : C’est une affaire truffée d’irrégularités, impliquant plusieurs États, dans laquelle il est clair que la justice n’est pas indépendante du pouvoir politique lorsqu’il s’agit de questions aussi sensibles que la sécurité nationale. Plusieurs fois pendant le tournage et avec tout ce qui s’est passé ensuite, nous avons perdu confiance en la justice. Mais nos protagonistes sont des avocats – Baltasar Garzón a été juge d’instruction pendant de nombreuses années – et bien sûr, ils croient en la loi. Le fait de voir que malgré tous les revers et les irrégularités du processus, ils n’ont jamais cessé de faire confiance à la légalité et au système juridique nous a réconciliés avec l’idée que certes, le système judiciaire peut être manipulé, obéir à des intérêts politiques voire être corrompu, mais qu’il vaut néanmoins la peine d’y travailler. Parce que le droit n’est pas statique, il évolue, il s’adapte, et il vaut donc la peine de se battre sans relâche pour les bonnes causes. Et pour ce qui nous concerne, de laisser une trace filmée de ces combats.
Comment Julian a-t-il changé entre cette première rencontre et la dernière fois que vous l’avez vu ?
Clara López Rubio : Nous avons vu Julian pour la première fois en 2013, lors d’une réunion juridique à l’intérieur de l’ambassade d’Équateur. Nous savions que nous allions avoir très peu de temps pour lui parler et nous avions préparé une phrase à lui dire. Julian était gentil avec nous, mais il était très concentré sur la conversation avec ses avocats. Bien que l’équipe juridique nous avait donné l’autorisation de filmer quelques séquences, le garde de la sécurité de l’ambassade a fait irruption dans la pièce, éjecté de force notre caméraman et effacé les quelques minutes filmées. J’ai juste eu le temps de dire à Julian : « Notre film raconte l’affaire WikiLeaks du point de vue de votre avocat Baltasar Garzón et de l’équipe qu’il dirige. Nous voulons transmettre au public la raison pour laquelle ils vous défendent, les enjeux de votre affaire… » et on a dû partir. Après cet incident, un mois plus tard, nous avons pu tourner quelques images à l’intérieur de l’ambassade, mais ce n’est que deux ans plus tard, en 2015, que nous avons pu réaliser l’interview de Julian. Il nous avait donné vingt minutes et notre vol partait le soir même. Nous avons commencé à lui parler de sa vision de WikiLeaks et du journalisme. Je pense qu’il s’est senti à l’aise avec nous car il a décidé de prolonger l’entretien... Nous avons parlé pendant plus d’une heure, puis nous avons dû terminer car l’ambassadeur équatorien avait besoin de la salle pour un autre rendez-vous.
Juan Pancorbo : La transformation des personnages au fil du temps ne peut se refléter que dans des projets longs comme celui-ci. Julian Assange fait l’objet d’une punition exemplaire depuis maintenant une décennie. La méthode employée est classique : elle consiste à « tuer le messager » et dissuader ceux qui pourraient être tentés de suivre ses traces. Et le poids de cette punition se reflète dans l’apparence physique de Julian tout au long de notre film. Tant qu’il a pu rester actif et travailler, il n’a jamais montré de signes de faiblesse, son apparence physique reflète l’enfermement prolongé dans un espace très confiné, sans air frais, etc. Sa santé s’est sérieusement détériorée avec le temps, comme l’indiquent les rapports médicaux, mais ses yeux n’ont pas perdu la force du premier jour. Depuis qu’il est enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, il n’existe pratiquement aucune photo de lui. Mais il est évident que, dans les conditions dans lesquelles il est détenu et avec les circonstances aggravantes de la pandémie, sa situation est plus que préoccupante. Il doit être libéré immédiatement, afin qu’il puisse retrouver sa famille et ses jeunes enfants, contraints de grandir sans leur père.
Comment a été reçu votre film par la presse à la présentation de la première version en 2017 ?
Juan Pancorbo : Contrairement à la presse espagnole, qui a beaucoup parlé du film, le silence de la presse européenne et une critique très négative dans le journal Süddeutsche Zeitung nous ont quand même surpris.
Le jour de la première projection de notre film au festival DocsBarcelona, le 19 mai 2017, la Suède a annoncé, lors d’une conférence de presse, que l’enquête [pour « délits sexuels » en Suède] contre Assange était terminée. La télévision allemande nous a alors demandé de mettre à jour la fin du film afin d’intégrer les derniers événements. Nous avons alors repris ce travail dans une situation économique des plus précaires. Puis nous avons essayé de garder la distance nécessaire pour aller au bout malgré l’émotion de la nouvelle situation dramatique que vivait Julian Assange après sa mise en détention.
Où le film a-t-il été vu ?
Clara López Rubio : Depuis sa première version, le film a déjà été montré dans de nombreux festivals dans le monde entier : au Mexique, en Californie, à Bruxelles, en Autriche, en Argentine, au Chili, au Venezuela, en Équateur, en Espagne... Nous avons obtenu quelques prix en Amérique du Sud. Une plateforme indépendante en Australie le met en ligne maintenant. Notre petite frustration est que le film n’a pas encore été montré au Royaume-Uni et aux États-Unis (à l’exception de la Californie). Nous avons postulé à de nombreux festivals là-bas, mais nous n’avons reçu que des réponses négatives...
Et bien sûr, il a été diffusé sur les télévisions européennes qui ont participé à la production : Canal Sur (Espagne), WDR (Allemagne), RTS (Suisse), VRT (Belgique). Et aussi sur la RAI (Italie), RT (Russie), 3sat (Allemagne) et vous pouvez le voir en ligne dans la médiathèque du principal radiodiffuseur allemand ARD.
Comment souhaitez-vous que votre film vive maintenant ?
Juan Pancorbo : J’aimerais qu’il contribue à éclaircir le flou qui entoure l’affaire Assange.
Nous n’avons pas fait ce film pour défendre une thèse, au début nous étions aussi confus que n’importe quel autre citoyen qui s’informe par les canaux conventionnels. Mais nous avons appris à découvrir une réalité que nous avons essayé de partager à travers ce documentaire. Nous ne sommes pas partis d’une idée, mais nous y sommes arrivés : c’était un voyage de découverte, auquel nous invitons les spectateurs. Nous vivons dans un monde où la lutte pour le contrôle de l’information est féroce et le cinéma permet d’exprimer les valeurs défendues par ceux qui mettent l’information au service des gens ordinaires.
Clara López Rubio : Après tous ces efforts, et vu que nous avons passé notre vie sur ce sujet, nous souhaitons qu’il soit utilisé le plus possible. Nous espérons que les spectateurs en sortiront avec un niveau de connaissance plus élevé et que les jeunes journalistes l’intègreront dans leur vision du monde.
Entretien réalisé par Olivier Azam le 16 juillet 2021 pour l’édition du coffret Livre-dvd édité par Les Mutins de Pangée
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